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L’ANCIEN RÉGIME


« 500 personnes qui habitent notre paroisse, 100 sont réduites à la mendicité, et en outre nous voyons venir des paroisses voisines 30 ou 40 pauvres par jour[1] ». À Boulbonne[2], dans le Languedoc, il y a tous les jours aux portes du couvent « une aumône générale à laquelle assistent 300 ou 400 pauvres, indépendamment de celle qu’on fait aux vieillards et aux malades, qui est la plus abondante ». À Lyon, en 1787, « 30 000 ouvriers attendent leur subsistance de la charité publique » ; à Rennes, en 1788, après une inondation, « les deux tiers des habitants sont dans la misère[3] » ; à Paris, sur 650 000 habitants, le recensement de 1791 comptera 118 784 indigents[4]. — Vienne une gelée et une grêle comme en 1788, que la récolte manque, que le pain soit à quatre sous la livre, et qu’aux ateliers de charité l’ouvrier ne gagne que douze sous par jours[5] ; croyez-vous que ces gens-là se résigneront à mourir de faim ? Autour de Rouen, pendant l’hiver de 1788, les forêts sont saccagées en plein

  1. Hippeau, le Gouvernement de Normandie, VII, 147 à 177 (1789). — Boivin-Champeaux, Notice historique sur la Révolution dans le département de l’Eure, 83 (1789).
  2. Théron de Montaugé, 87. (Lettre du prieur du couvent, mars 1789.)
  3. Procès-verbaux de l’Assemblée provinciale du Lyonnais, 57. — Archives nationales, F4, 2073. Mémoire du 24 janvier 1788. « Les secours de la charité sont très bornés, et les États de la province ne font aucun fonds pour de tels accidents. »
  4. Levasseur, la France industrielle, 119. — En 1862, sur une population presque triple (1 696 000), il y avait 90 000 indigents.
  5. Albert Babeau. Histoire de Troyes, I, 91 (Lettre du maire Huez, 30 juillet 1788).