Page:Taine - Les Origines de la France contemporaine, t. 3, 1909.djvu/164

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
150
LA RÉVOLUTION


mes. Mirabeau, partisan du veto à vie, a vu la foule en larmes l’implorer pour qu’il change d’avis : « Monsieur le comte, si le roi a le veto, il n’y a plus besoin d’Assemblée nationale, nous voilà esclaves[1] ». Un pareil emportement ne se laisse pas conduire ; tout est perdu. Déjà, vers la fin de septembre, c’est le mot que Mirabeau répète au comte de la Marck : « Oui, tout est perdu ; le roi et la reine y périront, et, vous le verrez, la populace battra leurs cadavres ». Huit jours après, contre le roi et la reine, contre l’Assemblée nationale et le gouvernement, contre tout gouvernement présent et futur, éclatent les journées des 5 et 6 octobre ; le parti violent qui règne à Paris s’empare des chefs de la France pour les détenir à demeure sous sa surveillance, et pour consacrer ses attentats intermittents par un attentat permanent.

V

Cette fois encore, deux courants distincts se réunissent en un seul torrent, et précipitent la foule vers le même but. — D’un côté, ce sont les passions de l’estomac et les femmes ameutées par la disette : puisqu’il n’y a pas de pain à Paris, allons en demander à Versailles ; une fois le roi, la reine et le dauphin parmi nous, ils seront bien obligés de nous nourrir ; « nous ramènerons le boulanger, la boulangère et le petit mitron ». — De l’autre côté, ce sont les passions de

  1. Étienne Dumont, 145. — Correspondance entre le comte de Mirabeau et le comte de la Marck, I, 112.