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LA RÉVOLUTION


jours. « Sans le régiment de Picardie, disent les dépêches, la ville était pillée et incendiée. » — Par bonheur, comme la récolte s’annonce bien, les prix baissent ; comme les assemblées électorales sont closes, la fermentation se ralentit, et, vers la fin de l’année, ainsi qu’une éclaircie dans un orage permanent, on voit poindre une trêve dans la guerre civile de la faim.

Rompue en vingt endroits par des explosions isolées, la trêve n’est pas longue, et, vers le mois de juillet 1791, les troubles que provoque l’incertitude des subsistances recommencent pour ne plus cesser. Dans ce désordre universel, considérons seulement un groupe, celui des huit ou dix départements qui entourent et nourrissent Paris. — Là sont de riches pays à blé, la Brie, la Beauce, et, non seulement la récolte de 1790 a été bonne, mais la récolte de 1791 est très ample. On écrit de Laon au ministre[1] que, dans le département de l’Aisne, « il y a du blé pour deux années », que « les granges, ordinairement vides au mois d’avril, ne le seront pas cette année avant juillet », et que, par conséquent, « les subsistances sont assurées ». Mais cela ne suffit point ; car la cause du mal n’est pas dans le manque de blé. — Pour que dans une vaste et populeuse contrée, où les terrains, les cultures et les métiers diffèrent, chacun puisse manger, il faut que l’aliment arrive à la portée de ceux qui ne le produisent pas. Pour qu’il y arrive sans encombre, de lui-même, par le

  1. Archives nationales, F7, 3185 et 3186. Lettre du président du tribunal du district de Laon, 8 février 1792.