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LA RÉVOLUTION


vaillent ensemble à une œuvre finale et totale. Que le gouvernement fasse cette œuvre, voilà tout son mérite ; une machine ne vaut que par son effet. Ce qui importe, ce n’est pas qu’elle soit bien dessinée sur le papier, mais c’est qu’elle fonctionne bien sur le terrain. En vain les constructeurs allégueraient la beauté de leur plan et l’enchaînement de leurs théorèmes ; on ne leur a demandé ni plans ni théorèmes, mais un outil. — Pour que cet outil soit maniable et efficace, deux conditions sont requises. En premier lieu, il faut que les pouvoirs publics s’accordent : sans quoi ils s’annulent. En second lieu, il faut que les pouvoirs publics soient obéis : sans quoi ils sont nuls. La Constituante n’a pourvu ni à cette concorde ni à cette obéissance. Dans la machine qu’elle a faite, les moteurs se contrarient ; l’impulsion ne se transmet pas ; du centre aux extrémités l’engrenage fait défaut ; les grandes roues du centre et du haut tournent à vide ; les innombrables petites roues qui touchent le sol s’y faussent ou s’y brisent : en vertu de son mécanisme même, elle reste en place, inutile, surchauffée, sons des torrents de fumée vaine, avec des grincements et des craquements qui croissent et annoncent qu’elle va sauter.

I

Considérons d’abord les deux pouvoirs du centre, l’Assemblée et le roi. — Ordinairement, quand une Constitution établit des pouvoirs distincts et d’origine différente, elle leur prépare, par l’institution d’une