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LA RÉVOLUTION


baissent à la fois. Du 1er mai 1789 au 1er mai 1790, la ferme générale, au lieu de 150 millions, n’en produit que 127 ; les aides et droits réunis, au lieu de 50 millions, n’en rendent que 31. Les ruisseaux qui venaient remplir le trésor public sont de plus en plus obstrués par les résistances populaires, et, sous la pression populaire, l’Assemblée finit par les boucher tout à fait. Au mois de mars 1790[1], elle abolit la gabelle, les traites, les droits sur les cuirs, l’huile, l’amidon et la marque des fers. Aux mois de février et de mars 1791, elle abolit les octrois et droits d’entrée dans toutes les villes et bourgs du royaume, tous les droits d’aides ou réunis aux aides, notamment toutes les taxes qui pèsent sur la fabrication, la vente ou la circulation des boissons. — À la fin le peuple l’a emporté, et, le 1er mai 1791, jour de l’application du décret, la garde nationale de Paris fait le tour des murs en jouant des airs patriotiques. Le canon des Invalides et celui du Pont-Neuf tonnent comme pour une victoire. Le soir, on illumine ; toute la nuit, on boit, et la kermesse est universelle. En effet la bière est à trois sous le pot, le vin à six sous la pinte ; c’est une baisse de moitié, et il n’y a pas de conquête plus populaire, puisqu’elle met l’ivresse à la portée de tous les gosiers[2].

    troupes et les préposés aux barrières : ceux-ci sont massacrés, les bureaux incendiés, pillés et les prisons forcées. » — Mémoire à l’Assemblée nationale, par M. Necker, 21 juillet 1790.

  1. Décrets des 21 et 22 mars 1790, applicables le 21 avril suivant. — Décrets des 19 février et 2 mars 1791, applicables le 1er mai suivant.
  2. E. et J. de Goncourt, La société française pendant la Révo-