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LA CONSTITUTION APPLIQUÉE


pays d’États, au lieu de 28 millions, le trésor en touche 6. Sur la contribution patriotique qui devait prélever le quart de tous les revenus au delà de 400 livres et 2 1/2 pour 100 de l’argenterie, des bijoux, de tout l’or et de tout l’argent monnayé que chacun avait en réserve, l’État reçu 9 700 000 livres. Quant aux dons patriotiques, leur total, y compris les boucles d’argent des députés, n’atteint que 361 587 francs ; et plus on examine les alentours de ces chiffres, plus on voit se réduire l’apport du villageois, de l’artisan, de l’ancien taillable. — En effet, depuis le mois d’octobre 1789, les privilégiés sont portés au rôle des contributions, et certainement ils forment la classe la plus aisée, la plus sensible aux idées générales, la plus véritablement patriote. Il est donc probable que, sur les 43 millions qui rentrent de l’impôt direct et de la contribution patriotique, ils ont versé la plus grosse part, peut-être les deux tiers, peut-être les trois quarts. En ce cas, pendant la première année de la Révolution, le paysan, l’ancien contribuable, n’aura rien ou presque rien tiré de sa poche. Par exemple, pour la contribution patriotique, l’Assemblée a laissé à la conscience de chacun le soin de fixer sa cote : au bout de six mois, elle découvre que les consciences sont trop larges, et se trouve obligée de confier ce droit aux municipalités. Par suite[1], tel qui se taxait à quarante-huit livres est taxé à cent cinquante ; tel autre, cultivateur, qui avait offert six livres est jugé capable d’en verser cent. Dans un régiment, ce sont toujours les mêmes, une petite élite de

  1. Boivin-Champeaux, 231.