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LA RÉVOLUTION


effet, deux officiers municipaux font sonner le tocsin, et le village accourt avec des armes. Un domestique a le bras cassé par une balle ; pendant trois heures, la comtesse et ses deux enfants sont chargés d’avanies et de coups ; on la force à signer un papier qu’on ne lui permet pas de lire ; en parant un coup de sabre, elle a le bras fendu, du coude au poignet ; le château est pillé ; elle ne parvient à s’évader que grâce au zèle de quelques domestiques. — En même temps, de larges éruptions s’étalent sur des provinces entières ; presque sans interruption l’une succède à l’autre, et la fièvre reprend des portions qu’on croyait guéries, tant qu’enfin ces ulcères confluents se rejoignent et font une seule plaie de toute la surface du corps social.

À la fin de décembre 1789, la fermentation chronique devient aiguë en Bretagne. Selon l’ordinaire, les imaginations ont forgé un complot, et, au dire du peuple, si le peuple attaque, c’est pour se défendre. Le bruit a couru[1] que M. de Goyon, près de Lamballe, vient de réunir dans son château nombre de gentilshommes et six cents soldats. Aussitôt le maire et la garde nationale de Lamballe sont partis en force ; ils l’ont trouvé chez lui tout pacifique, sans autre compagnie que deux ou trois amis, et sans autres armes que quatre fusils de chasse. — Mais le branle est donné, et, le 15 janvier, la grande Fédération de Pontivy a exalté

  1. Archives nationales, KK, 1105 (correspondance de M. de Thiard ; lettres du chevalier de Bévy, 26 décembre 1789, et autres, jusqu’au 5 avril 1790). — Moniteur, séance du 9 février 1790. — Mercure de France, 6 février et 6 mars 1790 (liste des châteaux).