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L’ASSEMBLÉE CONSTITUANTE ET SON ŒUVRE


voir dans les opérations qui la forment ; les électeurs se réunissent et votent sans qu’il les appelle ou les surveille. Une fois l’Assemblée élue, il ne peut ni l’ajourner ni la dissoudre. Il ne peut pas même lui proposer une loi[1], il lui est seulement permis « de l’inviter à prendre un objet en considération ». On le confine dans son emploi exécutif ; bien mieux, on bâtit une sorte de muraille entre lui et l’Assemblée, et l’on bouche soigneusement la fissure par laquelle elle et lui pourraient se donner la main. — Défense aux députés de devenir ministres pendant toute la durée de leur mandat et deux ans après son terme : au contact de la cour, on craint qu’ils ne se laissent corrompre, et, de plus, quels que soient les ministres, on ne veut pas subir leur ascendant[2]. Si l’un d’eux est introduit dans l’Assemblée, ce ne sera pas pour y donner des conseils, mais seulement pour fournir des renseignements, pour répondre à des interrogatoires, pour protester de son zèle en termes humbles et en posture douteuse[3]. Car, à titre d’agent royal, il est suspect comme le roi lui-même, et on séquestre le ministre dans ses bureaux comme on séquestre le roi dans son palais.

  1. L’initiative reste au roi sur un point : la guerre ne peut être décrétée par l’Assemblée que sur sa proposition préalable et formelle. Cette exception ne fut obtenue qu’après un combat violent et par un effort suprême de Mirabeau.
  2. Discours de Lanjuinais, 7 novembre 1789. « Nous avons voulu la séparation des pouvoirs. Comment donc nous propose-t-on de réunir dans la personne des ministres le pouvoir législatif au pouvoir exécutif ? »
  3. Voir les comparutions de ministres devant l’Assemblée législative.