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LA CONSTITUTION APPLIQUÉE


son rapport au département, est saisi en route, et contraint de donner sa démission. Sept paroisses se sont coalisées avec Aujac, dix avec Migron ; Varaise a sonné le tocsin, les villages sont soulevés à quatre lieues à la ronde, quinze cents hommes armés de fusils, de faux, de cognées et de fourches, apprêtent leurs bras. Il s’agit de délivrer le principal meneur de Varaise, Planche, qui a été arrêté, et de punir Latierce, maire de Varaise, que l’on soupçonne d’avoir dénoncé Planche. Latierce est roué de coups, on lui « fait subir mille tourments pendant trente heures » ; puis on se met en marche avec lui sur Saint-Jean-d’Angély, et l’on exige l’élargissement de Planche. La municipalité, qui d’abord a refusé, finit par consentir, à condition qu’on lui rendra Latierce en échange. En conséquence, Planche est mis en liberté, reçu avec des cris de triomphe. Mais Latierce n’est pas rendu ; au contraire, on le supplicie une heure durant, puis on le massacre, et le directoire du district, moins soumis que la municipalité, est forcé de fuir. — De tels symptômes ne sont pas douteux, et il y en a de pareils en Bretagne : évidemment, les âmes sont toujours insurgées. Au lieu de se vider, l’abcès social se remplit et se gonfle ; il va crever une seconde fois aux mêmes places, et, en 1791 comme en 1790, la jacquerie s’étale sur la Bretagne comme sur le Limousin.

C’est que la volonté du paysan est d’une autre nature que la nôtre, bien plus fixe et bien plus tenace. Quand une pensée s’accroche en lui, elle y prend naissance par une croissance obscure et profonde, sur laquelle la parole