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L’ASSEMBLÉE CONSTITUANTE ET SON ŒUVRE


parti pris l’instrument exécutif ; on a rompu le lien qui attachait les rouages des extrémités à la poignée du centre, et désormais, incapable d’imprimer l’impulsion, cette poignée, aux mains du monarque, reste inerte ou pousse dans le vide. « Chef suprême de l’administration générale et de l’armée de terre et de mer, gardien de l’ordre et de la tranquillité publique, représentant héréditaire de la nation », en dépit de tous ces beaux titres, le roi n’a aucun moyen d’appliquer sur place ses prétendus pouvoirs, de faire dresser le tableau des impositions dans telle commune récalcitrante, de faire payer l’impôt à tel contribuable en retard, de faire circuler un convoi de blé, exécuter un jugement rendu, réprimer une émeute, protéger les propriétés et les personnes. Car sur les agents qu’on lui déclare subordonnés il ne peut exercer de contrainte ; ses seules ressources sont les avertissements et la persuasion. Il envoie à chaque assemblée de département les décrets qu’il a sanctionnés, l’invite à les transmettre et à les faire exécuter, reçoit ses correspondances, la blâme ou l’approuve. Rien de plus : il n’est qu’un intermédiaire impuissant, un héraut ou moniteur public, sorte d’écho central, sonore et vain, où les nouvelles arrivent et d’où les lois partent pour retentir comme un simple bruit.

Tel que le voilà, et tout amoindri qu’il est, on le trouve encore trop fort. On lui ôte le droit de grâce, « ce qui coupe la dernière artère du gouvernement monarchique[1] ». On multiplie contre lui les précautions. Il ne

  1. Mercure de France, mot de Mallet du Pan.