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LA CONSTITUTION APPLIQUÉE


tions et en bon ordre. Sur quoi, le commandant de la garde nationale de Lucenay s’écrie avec emportement « que tous sont égaux, que tous entreront », et, au même instant, tous se précipitent. « M. de Chaponay faisait ouvrir les appartements ; on les refermait exprès pour que les sapeurs en jetassent les portes bas à coups de hache. » — Tout est pillé, « argenterie, assignats, linge en quantité, dentelles et autres effets, les arbres des avenues mutilés et coupés, les caves vidées, les tonneaux roulés sur la terrasse, tout le vin répandu, le donjon démoli… Les officiers encourageaient ceux qui se ralentissaient ». — Vers neuf heures du soir, M. de Chaponay est averti par ses domestiques que les municipalités ont résolu de lui faire signer l’abandon de ses droits féodaux et de lui couper la tête ensuite. Il se sauve avec sa femme par la seule porte non gardée, erre toute la nuit sous les coups de fusil des pelotons qui le traquent, et n’arrive à Lyon que le lendemain. — Cependant les pillards lui font signifier que, s’il n’abandonne pas son terrier, ils abattront ses forêts, et mettront le feu partout dans son domaine. En effet, à trois reprises différentes, le feu est mis au château ; dans l’intervalle, la bande en a saccagé un autre à Bayère, et, repassant chez M. de Chaponay, démolit une écluse de 10 000 livres. — De son côté, l’accusateur public reste muet, quelques instances qu’on lui fasse : sans doute il se dit que, pour un gentilhomme visité, c’est beaucoup d’avoir la vie sauve, et que d’autres, par exemple