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LA RÉVOLUTION


les insurgés tirant par les fenêtres des maisons et par les soupiraux des caves, cinq cents morts parmi les vainqueurs, trois mille morts parmi les vaincus. — Le mois suivant et pendant six semaines[1], c’est une autre insurrection, moins sanglante, mais plus vaste, plus concertée, plus obstinée, celle de toute l’escadre, vingt mille hommes mutinés à Brest, d’abord contre leur amiral et leurs officiers, puis contre le nouveau code pénal et contre l’Assemblée nationale elle-même qui, après de vaines remontrances, est obligée, non seulement de ne pas sévir, mais encore de remanier sa loi[2].

À partir de ce moment, dans la flotte et dans l’armée, je ne compte plus les émeutes incessantes. — Avec l’auto-

  1. Archives nationales, F7, 3215. Lettres des commissaires du roi, 27 septembre, 1er, 4, 8, 11 octobre 1790. « Quels sont les moyens de quatre commissaires pour convaincre 20 000 hommes dont le plus grand nombre est séduit par les véritables ennemis du bien public ? Les équipages sont, en grande partie, par l’effet du remplacement, composés de gens presque étrangers à la mer, qui ne connaissent point les règles de la subordination, et qui, dans le commencement de la Révolution, ont eu le plus de part aux insurrections intérieures. »
  2. Mercure de France, 2 octobre 1790. Lettre de l’amiral, M. d’Albert de Rions, 16 septembre. Les soldats du Majestueux ont refusé de faire la manœuvre et les matelots du Patriote refusent d’obéir. — « J’ai voulu m’informer auparavant s’ils avaient à se plaindre de leur capitaine ? — Non. — S’ils se plaignaient de moi ? — Non. — S’ils avaient des plaintes à faire contre leurs officiers ? — Non. » — C’est la révolte d’une classe contre une autre classe ; ils crient seulement Vive la Nation, les aristocrates à la lanterne ! La multitude a planté une potence devant la maison de M. de Marigny, major-général de la marine ; il a donné sa démission. M. d’Albert offre la sienne. — Ib., 18 juin 1791. Lettre de Dunkerque du 3 juin.