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LA RÉVOLUTION


tendent en donner une ; car, en qualité d’orthodoxe, il doit croire que leur élu est excommunié, que son ministère est illégitime, et, en qualité de pasteur, il doit empêcher ses ouailles d’aller boire à la mauvaise source. — Vainement il leur prêcherait la modération et le respect. Par cela seul que le schisme est fait, ses conséquences se déroulent et les paysans ne seront pas toujours aussi patients que leur curé. Ils le connaissent depuis vingt ans, il les a baptisés et mariés, ils croient que sa messe est la seule bonne, ils ne sont pas contents d’être obligés d’aller en chercher une autre à deux ou trois lieues, et de laisser l’église, leur église que jadis ils ont bâtie et où, de père en fils, ils prient depuis des siècles, aux mains d’un étranger, nouveau venu, hérétique, qui officie devant des bancs presque vides, et que les gendarmes, fusil en main, ont installé. Certainement, quand il passera dans la rue, ils le regarderont de travers ; rien d’étonnant si bientôt des femmes et des enfants le huent, si la nuit on jette des pierres dans ses vitres, si, dans les départements très catholiques. Haut et Bas-Rhin, Doubs et Jura, Lozère, Deux-Sèvres et Vendée, Finistère, Morbihan et Côtes-du-Nord, il est accueilli par la désertion universelle, puis expulsé par la malveillance publique, si sa messe est interrompue, si sa personne est menacée[1], si la désaffec-

  1. Sur ces brutalités spontanées des paysans catholiques, cf. Archives nationalesF7, 3236 (Lozère, juillet-novembre 1791) ; délibération du district de Florac, 6 juillet 1791, et procès-verbal du commissaire du département sur les troubles d’Espagnac. Le 5 juillet, Richard, curé constitutionnel, requiert la municipalité de procéder à son installation. « La cérémonie n’a pu être faite, à