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LA RÉVOLUTION


d’avoir fait baptiser leurs enfants par le prêtre réfractaire, sont saccagés et presque démolis. — Ailleurs, un attroupement refuse l’entrée du cimetière au corps d’un vieux curé qui est mort sans avoir juré. Plus loin, une église est assaillie au milieu des vêpres, et tout y est mis en pièces ; le lendemain, c’est le tour de l’église voisine, et, pour surcroît, un couvent d’Ursulines est dévasté. — À Lyon, le jour de Pâques 1791, au sortir de la messe de six heures, une troupe, armée de fouets de corde, se précipite sur les femmes[1]. Déshabillées, meurtries, le corps renversé, la tête dans la fange, elles ne sont laissées que sanglantes, demi-mortes ; une jeune fille en meurt tout à fait ; et ce genre d’attentats se multiplie tellement, qu’à Paris même des dames qui vont à la messe orthodoxe ne sortent plus qu’avec leur chemise cousue en guise de caleçon. — Naturellement, pour exploiter la proie offerte, il se forme des sociétés de chasse. Il y en a à Montpellier, Arles, Uzès, Alais, Nîmes, Carpentras et dans la plupart des villes ou bourgs du Gard, du Vaucluse et de l’Hérault, plus ou moins nombreuses selon la population de la cité, les unes de dix à douze, les autres de deux cents à trois cents hommes de bonne volonté et de toute provenance ; parmi eux des tape-dur, anciens brigands et repris de justice, ayant encore la marque sur le dos. Quelques-unes font porter à leurs membres un signe visible de

  1. Mémoire par Camille Jordan (Sainte-Beuve, Causeries du Lundi, XII, 250). La garde refuse de porter secours, ou n’arrive que trop tard, seulement « pour contempler le désordre, jamais pour le réprimer ». — Montlosier, II, 300.