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LA CONSTITUTION APPLIQUÉE


recrutement de l’armée[1], le commandant d’une garde nationale villageoise a demandé vengeance « contre ceux qui ne sont pas patriotes », et le bruit court que de Paris il est venu un ordre pour détruire les châteaux. De plus, les insurgés allèguent que les prêtres, par leur refus de serment, mènent la nation à la guerre civile ; « on est las de ne pas être en paix à cause d’eux ; qu’ils deviennent de bons citoyens, et que tout le monde aille à la messe ». Là-dessus, les insurgés entrent dans les maisons, rançonnent les habitants, non seulement « les prêtres, les ci-devant nobles », mais encore « ceux qui sont soupçonnés d’être leurs partisans, ceux qui n’assistent point à la messe du prêtre constitutionnel », et jusqu’à de pauvres gens, artisans, laboureurs qu’ils taxent à cinq, dix, vingt, quarante francs, et dont ils vident la cave ou la huche. Dix-huit châteaux sont pillés, incendiés ou démolis, entre autres ceux de plusieurs gentilshommes ou dames qui n’ont jamais quitté le pays. L’un d’eux, M. d’Humières, est un vieil officier de quatre-vingts ans ; Mme de Peyronencq ne sauve son fils qu’en le déguisant en paysan ; Mme de Beauclerc, qui s’enfuit à travers la montagne, voit son

  1. Mercure de France, 7 avril 1792, lettres écrites d’Aurillac. — Archives nationales, F7, 3202. Lettre du directoire du district d’Aurillac, 27 mars 1792 (avec sept procès-verbaux) ; du directoire du district de Saint-Flour, 19 mars (avec le rapport de ses commissaires) ; de M. Duranthon, ministre de la justice, 22 avril ; pétition de M. Lorus, officier municipal d’Aurillac. — Lettre de M. Duranthon, 9 juin 1792. « Je viens d’être informé par le commissaire du roi près le district de Saint-Flour que, depuis le départ des troupes, les magistrats n’osent plus exercer leurs fonctions au milieu des brigands qui les environnent. »