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LA PREMIÈRE ÉTAPE DE LA CONQUÊTE


s’effraye d’un combat nocturne « entre la troupe de ligne, les citoyens, les gardes nationales et les étrangers armés, où personne ne pourra se reconnaître ni savoir qui est son ennemi ». Elle renvoie un corps de trois cent cinquante Suisses que le directoire faisait marcher peur la secourir ; elle consigne le régiment dans ses quartiers. — Là-dessus, le directoire s’enfuit ; tous les corps de garde militaires sont désarmés, et les Marseillais, poussant leurs avantages, viennent, à deux heures du matin, avertir la municipalité que, « soit qu’elle le permette, soit qu’elle ne le permette pas », ils vont sur-le-champ attaquer les casernes. En effet, ils braquent les canons, tirent plusieurs coups, tuent une sentinelle, et le régiment, cerné, est contraint d’évacuer la ville, les soldats sans fusils, les officiers sans épée. Leurs armes sont pillées, le peuple saisit des suspects, descend la lanterne et commence à les y accrocher : la bouquetière Cayol est pendue. À grand peine, la municipalité sauve un homme déjà soulevé par la corde à deux pieds de terre, et obtient pour trois autres « un asile provisoire » dans la prison.

Dès lors il n’y a plus d’autorité au chef-lieu, ou plutôt l’autorité y a changé de mains. À la place du directoire fugitif, on en installe un autre, plus maniable. Des trente-six administrateurs qui formaient le conseil, douze seulement se sont présentés pour faire l’élection. Des neuf élus, six seulement consentent à siéger ; souvent même, aux séances, il ne s’en trouve que trois, et ces trois, pour se recruter des collègues,