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LA RÉVOLUTION


greffiers des administrations et des tribunaux. Du même coup, l’obligation d’avoir exercé comme homme de loi est abolie, en sorte que le premier venu, s’il est du club, peut devenir juge, sans savoir écrire et presque sans savoir lire[1]. — Un peu auparavant[2], dans toutes les villes au-dessus de cinquante mille âmes, puis dans toutes les villes-frontières, l’état-major de la garde nationale a repassé par le crible électoral. Pareillement, les officiers de gendarmerie, à Paris et dans toute la France, subissent derechef le choix de leurs hommes. Enfin les directeurs et les contrôleurs de la poste sont soumis à l’élection. — Bien mieux, au-dessous ou à côté des fonctionnaires élus, l’épuration administrative atteint les fonctionnaires et les employés non électifs, si neutre que soit leur emploi, si indirect et si faible que soit le lien par lequel leur office se rattache aux affaires politiques, receveurs et percepteurs des impôts, directeurs et procureurs des eaux et forêts, ingénieurs, notaires, avoués, commis et scribes d’administration ; ils sont révoqués si leur municipalité

    bien dans la lettre suivante ; « Sur le tableau des jurés de votre district,… je vous prie de me désigner en marge, par une croix, les bons Jacobins à choisir pour former la liste des 200 pour le trimestre prochain ; nous avons besoin de patriotes. » (Lettre du procureur général du Doubs, 23 décembre 1792. Sauzay, III, 220}.

  1. Pétion, Mémoires (édit. Dauban), 118. : « Le juge de paix qui m’accompagnait était très bavard et ne disait pas un mot de français ; il me raconta qu’il avait été tailleur de pierres avant d’être juge de paix, mais que son patriotisme l’avait porté à cette place. Il voulut dresser un petit procès-verbal pour me confier à la garde de deux gendarmes ; il ne sut comment s’y prendre ; je lui dictai, et il poussa ma patience à bout par la lenteur incroyable avec laquelle il écrivait. »
  2. Décrets des 6 juillet, 15 août, 20 août, 26 septembre 1792.