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LA SECONDE ÉTAPE DE LA CONQUÊTE

boulangers[1], et, selon leur coutume, les ouvriers et les ménagères imputent tout cela au gouvernement. Ce gouvernement, qui pourvoit si mal à leurs besoins, les froisse encore dans leurs sentiments les plus profonds, dans leurs habitudes les plus chères, dans leur foi et dans leur culte. À cette date, le petit peuple, même à Paris, est encore très religieux, bien plus religieux qu’aujourd’hui. Si un prêtre, portant le viatique, passe dans la rue, on voit la multitude « accourir de toutes parts pour se jeter à genoux, tous, hommes, femmes, jeunes et vieux, se précipitant en adoration[2] ». Le jour où la châsse de saint Leu est portée en procession rue Saint-Martin, « tout le monde se prosterne : je n’ai pas vu, dit un spectateur attentif, un seul homme qui n’ait ôté son chapeau. Au corps de garde de la section Mauconseil, toute la force armée s’est mise sous les armes ». En même temps « les citoyennes des Halles se concertaient pour savoir s’il n’y aurait pas moyen de tapisser[3] ». Dans la semaine qui suit, elles obligent le comité révolutionnaire de Saint-

  1. Dauban, la Démagogie à Paris en 1793, 152 (Diurnal de Beaulieu, 17 avril). — Archives nationales, AF, II, 45. (Rapports de police, 20 mai) : « La cherté des denrées est la principale cause des agitations et des murmures. » — (Ib., 24 mai) : « La tranquillité qui paraît régner dans Paris sera bientôt troublée, si les objets de première nécessité ne diminuent pas promptement. » — (Ib, 25 mai) : « Les murmures contre la cherté des denrées vont chaque jour en augmentant, et cette circonstance paraît devoir devenir un des motifs des événements qui se préparent. »
  2. Schmidt, I, 198 (Dutard, 9 mai).
  3. Ib., I, 350, II, 6 (Dutard, 30 mai, 6 et 7 juin).