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LA SECONDE ÉTAPE DE LA CONQUÊTE


ferments d’anarchie. « Administrateurs, juges, officiers municipaux, tous ceux qui sont revêtus d’une autorité quelconque et ont le courage de l’employer à faire respecter la loi, sont successivement dénoncés à l’opinion publique comme des ennemis de la Constitution et de la liberté, parce que, dit-on, ils ne parlent jamais que de la loi, comme s’ils ne savaient pas que la volonté du peuple fait la loi, et que nous sommes le peuple[1]. « Voilà le vrai principe, et ici comme à Paris il engendre à l’instant ses conséquences. « Dans plusieurs de ces clubs, on ne s’entretient que de dévaster les propriétés, que de couper les têtes des aristocrates. Et qui désignait-on par cette infâme qualification ? Dans les villes, les gros négociants, les riches propriétaires ; dans les campagnes, ceux que nous appelons les bourgeois ; partout, les citoyens paisibles qui, amis de l’ordre, voudraient enfin jouir, à l’ombre de lois protectrices, des bienfaits de la Constitution. La rage de ces dénonciations est telle, que dans une de ces sociétés on a récemment dénoncé comme aristocrate un bon et brave paysan, dont toute l’aristocratie consistait à avoir dit à ceux qui avaient pillé le château du ci-devant sei-

  1. Archives nationales, F7, 3271, Lettre des administrateurs du Var, 27 mai. — Ce mot est le résumé de l’esprit révolutionnaire, revient partout. — Cf. Duc de Montpensier, Mémoires, 11. À Aix, un de ses gardiens disait aux sans-culottes qui faisaient irruption dans la salle où il était déposé : « Citoyens, par quel ordre êtes-vous entrés ici, et pourquoi avez vous forcé la garde qu’on avait mise à la porte ? » — Un d’eux répondit : « Par ordre du peuple. Ne sais-tu pas que le peuple est souverain ? »