Page:Taine - Les Origines de la France contemporaine, t. 8, 1904.djvu/18

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
14
LA RÉVOLUTION


bespierre, écrivant et récrivant ses listes secrètes, cherche des hommes capables de soutenir le système ; toujours il ressasse les mêmes noms, des noms d’inconnus, d’illettrés[1], une centaine de scélérats ou d’imbéciles, parmi eux quatre ou cinq despotes et fanatiques de second ordre, aussi malfaisants et aussi bornés que lui. — Le creuset épuratoire a trop longtemps et trop souvent fonctionné ; on l’a trop chauffé ; on a évaporé de force les éléments sains ou demi-sains de la liqueur primitive ; le reste a fermenté et s’est aigri : il n’y a plus au fond du vase qu’un reliquat de stupidité et de méchanceté, l’extrait concentré, corrosif et bourbeux de la lie.

II

Tels sont les souverains subalternes[2] qui, à Paris, pendant quatorze mois, disposent à leur gré des fortunes, des libertés et des vies. — Et d’abord, aux assem-

    public, 15 prairial) : « Les citoyens Pillon, Gouste, Né, membres du comité révolutionnaire de la section Marat, sont destitués. Ils sont remplacés dans leurs fonctions par les citoyens Martin, Majon et Mirel. Mauvielle, rue de la Liberté, no 32, est nommé pour compléter ledit comité révolutionnaire, qui n’était composé que de onze membres. » — Et autres arrêtés analogues.

  1. Buchez et Roux, XXXV, 405 et suivantes.
  2. Duverger (Décret du 14 frimaire an II) : « L’application des lois révolutionnaires et des mesures de sûreté générale et de salut public est confiée aux municipalités et aux comités révolutionnaires. » Voir, au Livre I, chapitre II du volume VII, l’étendue du domaine ainsi délimité ; il comprend à peu près tout. — Au reste, il suffit de parcourir les registres de quelques comités révolutionnaires, pour vérifier l’immensité de leur pouvoir et la façon dont ils interviennent dans tous les détails de chaque vie particulière.