Page:Taine - Les Origines de la France contemporaine, t. 8, 1904.djvu/193

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
189
LES GOUVERNÉS


« yeux des gens du peuple sur le compte de ces nouveaux tyrans ». — Chose horrible : quoique leur condition soit un attentat contre l’égalité, ils en sont fiers ; bien pis, cette condition leur attire la considération publique. — En conséquence, « la Société désirerait qu’on attribuât au Tribunal révolutionnaire le droit de condamner à une détention momentanée cette classe d’individus orgueilleux ; le peuple verrait alors qu’ils ont commis un délit, et reviendrait de l’espèce de respect qu’il a pour eux ». — Hérétiques incorrigibles et contempteurs du dogme nouveau, ils sont trop heureux d’être traités en mécréants, à peu près comme les juifs au moyen âge. Aussi bien, si on les tolère, c’est pour les piller à discrétion, pour les couvrir d’opprobres, pour les courber sous la crainte. — Tantôt, avec une ironie insultante, on les met en demeure de prouver leur civisme douteux par des dons forcés. « Considérant[1], dit le représentant Milhaud, que

  1. Archives nationales, AF, II, 88 (Arrêté du représentant Milhaud, Narbonne, 9 ventôse an II). Article II : « Le don patriotique sera doublé, si dans les trois jours toutes les barques ne sont pas déchargées, et si toutes les charrettes ne sont pas chargées à mesure de leur arrivée. » — Article IV : « La municipalité est chargée, sous sa responsabilité personnelle, de faire la répartition sur les citoyens les plus fortunés de Narbonne. » — Article VII : « Si l’arrêté n’est pas exécuté dans les vingt-quatre heures, la municipalité indiquera au commandant de la place les riches égoïstes qui auraient refusé de verser leur contingent », etc. — Article VIII : « Le commandant est spécialement chargé de rendre compte de l’arrestation des riches réfractaires aux représentants du peuple, dans les vingt-quatre heures, et répondra sur sa tête de l’exécution ponctuelle du présent arrêt. » — Ib., AF, II, 135 (Arrêté de Saint-Just