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LES GOUVERNÉS


« leurs richesses sont séquestrées ; nous croyons que les sommes qui se trouvent sous les scellés se montent à 2 ou 3 millions en numéraire, et à 15 ou 16 millions en assignats ». — Même coup de filet à Paris : par ordre du procureur du département Lhuillier, chez tous « les banquiers, agents de change, agioteurs, marchands d’argent, etc. », les scellés sont apposés, et on les enferme eux-mêmes aux Madelonnettes ; quelques jours après, par grâce, pour qu’ils puissent payer leurs traites, on les relâche, mais à condition qu’ils resteront en arrestation chez eux, à leurs frais, chacun sous la garde de deux bons sans-culottes[1]. — Pareillement, à Nantes[2], à Lyon, à Marseille, à Bordeaux, les prisons s’emplissent et la guillotine travaille par catégories. À Bordeaux, ce sont, tantôt « tous les sujets du Grand-Théâtre », tantôt tous les gros négociants, « au nombre de plus de 200 », incarcérés en une seule nuit[3]. À Paris, c’est tantôt la fournée des fermiers généraux, tantôt la fournée des parlementaires de la capi-

  1. Archives nationales, F7, 2475 (Registre du Comité révolutionnaire de la section des Piques). Le 9 septembre 1793, à trois heures du matin, le Comité déclare que, pour sa part, il a fait arrêter vingt et une personnes de la catégorie susdite. — Le 8 octobre, il met deux sans-culottes comme gardiens chez tous les susdits de son quartier, même chez ceux qui, étant absents, n’ont pu être arrêtés : « Il est temps enfin d’adopter de grandes mesures pour s’assurer de tous ces êtres dont l’insoussiance (sic) et le modérantisme perdent la patrie. »
  2. Berryat-Saint-Prix, 36, 38. Carrier déclare suspects « les négociants et les riches ».
  3. Moniteur, XVIII, 641 (Lettre des représentants en mission à Bordeaux, 10 frimaire an II).