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LA RÉVOLUTION


revient et les marchandises au-dessous du prix d’achat, quand il contraint le fabricant à fabriquer à perte, et le commerçant à vendre à perte, quand ses principes, appliqués par ses actes, annoncent que, de la confiscation partielle, il marche à la confiscation universelle. — Par une filiation certaine, toute phase du mal engendre la phase suivante : on dirait d’un poison dont les effets se propagent ou se répercutent ; chaque fonction, troublée par le trouble de la précédente, se désorganise à son tour. Le péril, la mutilation et la suppression de la propriété diminuent de plus en plus les valeurs disponibles et le courage de les risquer, c’est-à-dire le moyen et la volonté de faire des avances ; faute d’avances, les entreprises utiles languissent, périssent ou ne se font pas ; par suite, la production, l’apport, la mise en vente des objets indispensables se ralentit, s’interrompt et s’arrête. Il y a moins de savon, de sucre et de chandelles chez l’épicier, moins de bûches et de charbon chez le marchand de bois, moins de bœufs et de moutons sur le marché, moins de viande chez le boucher, moins de grains et de farines aux halles, moins de pain chez le boulanger. Comme les choses de première nécessité sont rares, elles sont chères ; comme on se les dispute, leur cherté s’exagère ; le riche se ruine pour y atteindre, le pauvre n’y atteint pas, et le nécessaire manque aux premiers besoins.