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LA RÉVOLUTION


a pillé leurs boutiques. Sous la domination de la plèbe et de la Montagne, la Convention applique la théorie, saisit le capital partout où elle le trouve, et, en son nom, on déclare aux pauvres « qu’ils trouveront dans les portefeuilles des riches de quoi subvenir à leurs besoins[1] ».

Par delà ces atteintes éclatantes et directes, une atteinte indirecte et sourde, mais encore plus profonde, sapait lentement par la base toute propriété présente et future. Les affaires de l’État sont les affaires de tout le monde, et, quand l’État se ruine, tout le monde est ruiné par contre-coup. Car il est le plus grand débiteur et le plus grand créancier du pays ; et il n’y a pas de débiteur si insaisissable ni de créancier si absorbant, puisque, faisant la loi, et ayant la force, il peut toujours, d’abord répudier sa dette et renvoyer le rentier les mains vides, ensuite augmenter l’impôt et prendre dans les poches du contribuable le dernier écu. Rien de plus menaçant pour les fortunes privées que la mauvaise administration de la fortune publique. Or, sous la pression des principes jacobins et de la faction jacobine, les curateurs de la France ont administré comme

  1. Décrets pour établir, dans chaque commune, une taxe sur les riches, afin de proportionner aux salaires le prix du pain, et, dans chaque grande ville, une autre taxe pour lever une armée de sans-culottes salariés qui tiendront les aristocrates sous leurs piques, 5-7 avril. — Décret ordonnant l’emprunt forcé d’un milliard sur les riches, 20-25 mai. — Buchez et Roux, XXV, 156 (Discours de Chasles, 27 mars). — Gorsas, Courrier des départements, numéro du 15 mai 1793 (Discours de Simond au club d’Annecy). — Autres discours semblables de Guffroy à Chartres, de Châlier et consorts à Lyon, etc.