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LES GOUVERNÉS


ruine du travail en grand, organisé et largement fructueux : à la place des industries productives, je ne vois plus que des industries destructives, celles de la vermine agricole et commerciale, celles du brocanteur et du spéculateur qui démeublent les hôtels et les abbayes, qui démolissent un château ou une église pour en vendre les matériaux à vil prix, qui trafiquent des biens nationaux pour les exploiter au passage. Tâchez de vous figurer le mal qu’un possesseur provisoire, endetté, besogneux, pressé par les échéances, peut et doit faire au domaine précaire et de provenance douteuse qu’il n’espère point garder et duquel, en attendant, il tire tout le profit possible[1] : non seulement il ne remet pas une roue au moulin, une pierre à la digue, une tuile au

    pour 174 millions de francs, sur lesquels Saint-Domingue a fourni 131 millions, et l’on a exporté de France aux Antilles pour 64 millions, sur lesquels Saint-Domingue a reçu 44 millions. Ces échanges se sont faits au moyen de 569 navires, portant 162 000 tonnes, sur lesquels Bordeaux a fourni 246 navires et 75 000 tonnes. — Sur la ruine des autres manufactures, voir les rapports des préfets, ans IX, X, XI et XII, avec détails sur chaque département. Arthur Young (II, 144) juge que « la Révolution s’est montrée plus sévère pour les manufacturiers que pour toute autre classe ».

  1. Rapports des préfets (Orne, an IX) : « Les acquéreurs ont spéculé sur le produit du moment et ont épuisé leur fonds. Un très grand nombre a détruit toutes les plantations, les clôtures, et jusqu’aux arbres fruitiers. » — Félix Rocquain, ib., 110. Rapport de Fourcroy sur la Bretagne : « L’état des édifices ruraux exige partout des capitaux considérables… Mais on ne fait aucune des avances qui supposent qu’on compte sur une grande stabilité et une longue durée. » — 236. (Rapport de Lacuée sur les départements qui entourent Paris) : « Les propriétaires des biens nationaux, incertains, cultivèrent mal et dévastèrent beaucoup. »