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LA RÉVOLUTION


mée révolutionnaire : avant tout, il faut nourrir la capitale. — Voyons, sous ce régime de faveur, comment on vit et ce que l’on mange à Paris.

« Rassemblements effrayants » à la porte des boulangers, puis à la porte des bouchers et des épiciers, puis aux Halles pour le beurre, les œufs, le poisson et les légumes, puis au port et sur le quai pour le vin, le bois et le charbon, voilà le refrain incessant de tous les rapports de police[1]. — Et cela dure sans interruption pendant les quatorze mois du gouvernement révolutionnaire. Queues pour le pain, queues pour la viande, queues pour l’huile, le savon et la chandelle, « queues pour le lait, queues pour le beurre, queues pour le bois, queues pour le charbon, queues partout[2] ». — « Il y en eut une qui commençait à la porte d’un épicier du Petit Carreau et qui s’allongeait jusqu’à la moitié de la rue Montorgueil[3]. » Elles se forment dès trois heures du matin, dès une heure du matin, dès minuit, et vont grossissant d’heure en heure. Représentez-vous la file de ces misérables, hommes et femmes, couchés par terre[4]

  1. Archives des affaires étrangères, tomes 1410 et 1411. Rapports du 20 et du 21 juin 1793, des 21, 22, 28, 29 et 31 juillet, de tous les jours des mois d’août et de septembre 1793. — Schmidt, Tableaux de la Révolution française, tome II, passim. — Dauban, Paris en 1794 (notamment pour tous les jours du mois de ventôse an II). — Archives nationales, F7, 31167 (Rapports pour le mois de nivôse an II).
  2. Dauban, 138 (Rapport du 2 ventôse).
  3. Mercier, Paris pendant la Révolution, I, 355.
  4. Archives des affaires étrangères, 1411 (Rapports du 1er au 2 août 1793) : « À une heure du matin, nous avons été étonnés