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LA RÉVOLUTION


contraindre à décharger et à les fournir sur place. Plus loin encore, à une ou deux lieues sur les grands chemins, des bandes parisiennes vont de nuit intercepter et saisir l’approvisionnement de Paris : « Ce matin, dit un surveillant, le faubourg Saint-Antoine s’est dispersé sur la route de Vincennes et a pillé tout ce qu’on apportait à la capitale : les uns payaient, les autres emportaient sans rien payer… Les paysans désolés jurent de ne plus rien apporter », et la disette croît, par l’effort de chacun pour s’en préserver.

En vain le gouvernement réquisitionne pour Paris, comme pour une place en état de siège, et fixe sur le papier la quantité de grains que chaque département, chaque district, chaque canton, chaque commune doit envoyer à la capitale. — Naturellement, chaque département, district, canton ou commune fait effort pour garder ses subsistances[1] : charité bien ordonnée commence par soi. Au village surtout, le maire et les membres de la municipalité, cultivateurs eux-mêmes, sont tièdes quand il s’agit de s’affamer et d’affamer la commune au profit de la capitale ; ils déclarent, au

  1. Archives nationales, AF, II, 116 (Arrêté de Paganel, Castres, 6 et 7 pluviôse an II) : « La mesure du recensement n’a pas rempli son objet… Les déclarations ont été infidèles ou inexactes. » — Cf., pour les détails, la correspondance des autres représentants en mission. — Dauban, Paris en 1794, 190 (Discours de Fouquier-Tinville à la Convention, 19 ventôse) : « Le maire de Pont-Saint-Maxence a osé dire : « Quand on nous enverra du sucre de Paris, nous verrons alors si nous lui ferons passer nos œufs et notre beurre. »