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LA RÉVOLUTION


« convient ». — Et le programme s’exécute, tantôt sous forme d’idylle, tantôt à la façon d’une corvée. Autour d’Avignon[1], le général commandant, les bataillons de volontaires, les patriotes, « les femmes et les filles de patriotes » s’inscrivent parmi les moissonneurs. Autour d’Arles, « la municipalité met tous les habitants en réquisition ; des patrouilles sont envoyées dans les campagnes pour faire travailler à la moisson tous ceux qui s’occupaient d’autres ouvrages ». De son côté, la Convention ordonne[2] d’élargir provisoirement « les laboureurs, manouvriers, moissonneurs, brassiers et artisans de profession, des campagnes, bourgs et communes dont la population est au-dessous de 1200 habitants, et qui sont détenus comme suspects ». En d’autres termes, la nécessité physique a imposé silence à la théorie inepte ; avant tout, il fallait rentrer la moisson, rendre au travail les bras indispensables. Les conducteurs de la France ont été contraints d’enrayer, ne fût-ce que pour un moment, et au dernier moment, à l’aspect du gouffre béant, de la famine prochaine et présente ; la France y glissait, et, si elle ne s’y engloutit pas, c’est par miracle. — Quatre hasards simultanés, à la dernière heure, la retiennent suspendue sur l’extrême bord. Par une chance unique[3], l’hiver a

  1. Moniteur, XXI, 171 (Lettre d’Avignon, 9 messidor, et lettre des Jacobins d’Arles).
  2. Ib., XXI, 184 (Décret du 21 messidor).
  3. Gouverneur Morris (Correspondance avec Washington, lettres du 27 mars et du 10 avril 1794) : « La saison avance avec une rapidité dont on n’a point d’exemple ; j’ai du seigle en épi et du