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LA RÉVOLUTION


plein champ, faute d’autre nourriture ; « tous les légumes sont déjà consommés ; les meubles, l’aisance de la classe indigente, sont devenus la proie du cultivateur égoïste ; cette classe n’a plus rien à vendre, rien conséquemment à employer pour se procurer un morceau de pain ». — « Impossible, écrit le représentant en mission, d’attendre la récolte sans de nouveaux secours. Tant qu’il a existé du son, le peuple en a mangé ; il ne peut plus en trouver aujourd’hui, et le désespoir est à son comble. Le soleil n’a pas paru depuis que je suis ici ; la moisson sera retardée d’un grand mois. Que faire ? que devenir ? » — En Picardie, écrit le district de Beauvais[1], « la grande majorité des communes rurales parcourt les bois », pour y chercher des champignons, des baies, des fruits sauvages. « On se croit heureux, dit le district de Bapaume, de pouvoir partager la nourriture des animaux. » — « Dans beaucoup de communes, mande le district de Vervins, les habitants sont réduits à ne vivre que d’herbages. » — « Une foule de familles, des communes entières, dit le commissaire du district de Laon,

  1. Archives nationales, AF, II, 74 (Lettre des administrateurs du district de Beauvais, 15 prairial. — Lettre des administrateurs du district de Bapaume. 24 prairial. — Lettre des administrateurs du district de Vervins, 7 messidor. — Lettre du commissaire envoyé par le district de Laon, 1er messidor). — Cf. Ib. Lettre du district d’Abbeville, 11 prairial : « Le quintal de blé est vendu 1000 francs en assignats, ou plutôt les cultivateurs ne veulent plus d’assignats, l’argent seul peut procurer des grains, et, comme la plus grande partie du peuple n’a point d’argent à leur donner, ils ont la cruauté de dépouiller l’un d’une partie de son vêtement, de demander à l’autre ses meubles, etc. ».