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LES GOUVERNÉS


« tas d’ordures qui sont au coin des bornes ». — Le 1er messidor[1], « le nommé Picard est tombé de besoin à dix heures du matin rue de la Loi, et n’a été relevé qu’à sept heures du soir ; on l’a porté à l’hospice sur un brancard ». — Le 11 messidor, « le bruit court que le nombre des gens qui se jettent à la rivière est si considérable, qu’aux filets de Saint-Cloud à peine y peut-on suffire pour les en retirer ». — Le 19 messidor, « il a été trouvé au coin d’une borne un homme qui venait de mourir de faim ». — Le 27 messidor « à quatre heures de l’après-midi, place Maubert, un nommé Marcelin, ouvrier au Jardin des Plantes, tombé en faiblesse de besoin, est mort au milieu des secours qu’on lui donnait ». — La veille, jour anniversaire de la prise de la Bastille, « un ouvrier, sur le pont au Change, dit : Je n’ai pas mangé de la journée. Un autre lui répond : Je ne suis pas rentré chez moi, parce que je ne sais que donner à ma femme et à mes enfants qui meurent de faim ». — Vers la même date, un ami de Mallet du Pan lui écrit « qu’il est journellement témoin de la mort de gens du peuple qui meurent d’inanition dans les rues ; d’autres, et principalement les femmes, ne s’alimentent que d’immondices, de tronçons de légumes gâtés, du sang qui découle des boucheries. Les ouvriers ont généralement diminué leurs heures de travail, parce qu’ils n’ont plus la force nécessaire

  1. Dauban, Paris en 1794, 562, 568, 572.