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LA FIN DU GOUVERNEMENT RÉVOLUTIONNAIRE


scrits avant leur proscription. Sauf dix ou douze qui se sont abstenus, la Convention unanime a mis le roi en jugement et l’a déclaré coupable ; plus de la moitié de la Convention, les Girondins en tête, ont voté sa mort. Il n’y a pas dans la salle cinquante hommes honorables, en qui le caractère ait soutenu la conscience, et qui, comme Lanjuinais, aient le droit de porter la tête haute[1]. Dans aucun de leurs décrets, bons ou mauvais, les sept cents autres n’ont eu pour premier objet l’intérêt de leurs commettants. Dans tous leurs décrets, bons ou mauvais, les sept cents autres ont eu pour premier objet leur intérêt personnel. Tant que les attentats de la Montagne et de la plèbe n’ont atteint que le public, ils les ont approuvés, glorifiés, exécutés ; s’ils se sont révoltés enfin contre la Montagne et contre la plèbe, c’est à la minute suprême, uniquement pour sauver leurs propres vies. Avant comme après le 9 Thermidor, avant comme après le 1er Prairial, oppresseurs pusillanimes ou libérateurs involontaires, la bassesse et l’égoïsme ont été les grands ressorts de leur conduite. — C’est pourquoi « le mépris et l’horreur sont universellement déversés sur eux à

  1. Barbé-Marbois, Mémoires, préface, VIII : « À cinquante hommes près, qui étaient honnêtes et éclairés, l’histoire ne présente point d’assemblée souveraine qui ait réuni tant de vices, tant d’abjection et tant d’ignorance. » — Buchez et Roux, XXXVII, 7. Discours de Legendre, 17 thermidor an III : « On imprime qu’il y a, au plus, vingt hommes purs dans cette Assemblée. » — Ib., 27 (Arrêté de la section Lepelletier, 10 vendémiaire an IV) : « Il est constant que c’est à l’impéritie et au brigandage des gouvernants actuels que nous avons été redevables de la disette et de tous les maux qui l’ont accompagnée. »


  la révolution, vi.
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