Page:Taine - Les Origines de la France contemporaine, t. 8, 1904.djvu/373

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
369
LA FIN DU GOUVERNEMENT RÉVOLUTIONNAIRE


« est, parce qu’il n’y a aucun moyen sûr, ni pour vous, ni pour nous, de lui en substituer un autre. Mais nous, Conventionnels, nous ne pouvons vous laisser faire ; que vous le vouliez ou non, vous nous menez tout doucement à notre perte certaine ; il n’y a rien de commun entre nous. — Quelle garantie vous faut-il donc ? — Une seule ; après, nous ferons tout ce que vous voudrez, nous vous laisserons détendre les ressorts. Donnez-nous cette garantie, et nous vous suivrons aveuglément. — Et laquelle ? — Montez à la tribune, et déclarez que, si vous aviez été membre de la Convention, vous auriez voté, comme nous, la mort de Louis XVI. — Vous exigez l’impossible, ce qu’à notre place vous ne feriez pas ; vous sacrifiez la France à de vaines terreurs — Non, la partie n’est pas égale, nos têtes sont en jeu. » — Leurs têtes peut-être, mais certainement leur pouvoir, leurs dignités, leur fortune, leur luxe et leurs plaisirs, tout ce qui, à leurs yeux, vaut la peine de vivre. — Chaque matin, soixante-dix journaux de Paris et autant de gazettes locales dans les grandes villes de province exposent, avec pièces à l’appui, détails et chiffres, non seulement leurs crimes anciens, mais encore leur corruption présente, leur opulence subite, fondée sur la prévarication et la rapine, leurs péculats et leurs pots-de-vin, tel gratifié d’un hôtel somptueusement meublé par une compagnie de munitionnaires reconnaissants, tel, fils d’un procureur au bailliage et chartreux manqué, maintenant acquéreur du Calvaire

  la révolution, vi.
T. VIII. — 24