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LA FIN DU GOUVERNEMENT RÉVOLUTIONNAIRE


vient lui-même pour appuyer ou consacrer leurs attentats ; il casse ou fait casser par eux les organes vivants du corps social, ici la royauté ou l’aristocratie, là-bas le sénat et les magistratures, partout la hiérarchie ancienne, les statuts cantonaux, provinciaux ou municipaux, les fédérations ou constitutions séculaires. Sur cette table rase, il installe le gouvernement de la Raison, c’est-à-dire quelque contrefaçon postiche de la Constitution française : à cet effet, il nomme lui-même les nouveaux magistrats. S’il permet qu’ils soient élus, c’est par ses clients et sous ses baïonnettes ; cela fait une République sujette, sous le nom d’alliée, et que des commissaires expédiés de Paris mènent tambour battant. On lui applique d’autorité le régime révolutionnaire, les lois antichrétiennes, spoliatrices et niveleuses. On fait et on refait chez elle le 18 Fructidor ; on remanie sa Constitution d’après la dernière mode parisienne ; on purge, à deux ou trois reprises et militairement, son Corps législatif et son Directoire[1] ; on ne souffre à sa tête que des valets ; on ajoute son armée à l’armée française ; on lève en Suisse vingt mille Suisses pour combattre contre la Suisse et les amis de la Suisse ; on soumet à la conscription la Belgique incorporée ; on opprime, on pressure, on blesse le sentiment national et religieux, jusqu’à soulever des insurrections[2] religieuses et natio-

  1. Remaniement de la Constitution ou purgation des autorités en Hollande, par Lacroix, 22 janvier 1798 ; en Cisalpine, par Berthier, février 1798, puis par Trouvé, août 1798, puis par Brune, septembre 1798 ; en Suisse, par Rapinat, juin 1798, etc.
  2. Mallet du Pan (Mercure britannique, nos du 25 novembre,