Page:Taine - Les Origines de la France contemporaine, t. 8, 1904.djvu/427

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
423
LA FIN DU GOUVERNEMENT RÉVOLUTIONNAIRE


« La Constitution de l’an III ne peut plus aller, disait Baudin, l’un des Cinq-Cents, à Cornet, l’un des Anciens ; seulement je ne vois pas ou prendre le bras d’exécution. » La République jacobine vit encore, et déjà ses serviteurs, ses médecins, parlent tout haut de son enterrement, comme des étrangers, des héritiers dans la chambre d’un moribond qui a perdu connaissance, comme les familiers de Tibère agonisant dans son palais de Misène[1]. — Si le mourant tarde trop à mourir, quelqu’un l’y aidera. Le vieux monstre, chargé de crimes et pourri de vices, râle sur des coussins de pourpre ; ses yeux sont clos, le pouls s’éteint, le souffle manque. Ça et là, par groupes, autour du lit, les ministres de ses débauches à Caprée et de ses meurtres à Rome, ses gitons et ses bourreaux, se partagent publiquement le nouveau règne ; l’ancien est fini ; devant un cadavre, on n’a plus besoin de s’observer ni de se taire. Tout à coup le moribond rouvre les yeux et parle, demande à manger. Intrépidement, le tribun militaire, « le bras d’exécution », fait évacuer la salle ; il jette sur la tête du vieillard un amas de couvertures, accélère le dernier soupir. À cela se réduit le coup de main final ; d’elle-même, une heure plus tard, la respiration s’arrêtait.

X

Si la République jacobine meurt, ce n’est pas seulement parce qu’elle est décrépite et qu’on la tue, c’est

  1. Tacite, Annales, livre VI, § 50 : « Macro, intrepidus, opprimi senem injectu multæ vestis jubet discedique a limine. »