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LES GOUVERNANTS


« enchères quand on n’était point de leur acabit ; si l’on persistait, tantôt on était mis à contribution pour avoir le droit d’enchérir », tantôt il fallait s’engager à ne pas enchérir au delà du prix fixé par la ligue, et, pour obtenir le domaine, on lui payait « une bonification ». — Par suite, « les biens nationaux ont été donnés à vil prix », et les raisons ne manquent pas aux aigrefins pour se justifier à leurs propres yeux. En quelles mains les biens des contre-révolutionnaires peuvent-ils mieux tomber qu’en celles des patriotes ? Selon Marat, l’apôtre, le martyr, le saint canonisé de la Révolution, est-ce que le but de la Révolution n’est point d’ôter la fortune aux grands pour la remettre aux petits[1] ? Partout, dans les ventes nationales, dans la garde des séquestres, à l’endroit des rançons, à l’endroit des taxes, emprunts et saisies révolutionnaires, cet admirable raisonnement a prévalu ; nulle part, dans les documents imprimés ou manuscrits, je n’ai rencontré un comité révolutionnaire qui fût à la fois terroriste et probe. Et certes, les documents surabondent ; la seule lacune est le manque de renseignements individuels et nominatifs sur tous les membres du même comité. — Voici pourtant un comité où, par l’heureuse chance d’une enquête détaillée, on peut observer, dans un seul et même nid, toutes les variétés de l’espèce et de ses appétits, les douze ou quinze types de la guêpe jaco-

  1. Archives nationales, F7, 7164 (Département du Var, an V, « Idée générale ») : « Le caractère national est usé, il est même démoralisé : on regarde comme un sot celui qui, ayant été en place, n’a point fait en très peu de temps ses affaires. »