Page:Tallemant des Réaux - Historiettes, Mercure de France, 1906.djvu/173

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VANDY

Feu Vandy étoit un homme qui rencontroit assez bien. Son oncle, le comte de Grandpré, avoit été son tuteur, et on accusoit ce tuteur d’avoir un peu pillé son pupille ; il lui dit un jour : « Mon neveu, vous faites trop de dépense ; assurément, vous vous ruinerez. — Mon oncle, répondit Vandy, comment me ruinerois-je, si vous, qui avez plus d’esprit que moi, n’avez pu venir à bout de me ruiner  ? »

Un gentilhomme de ses voisins lui demandoit une attestation pour faire déclarer son frère fou : « Mais, Monsieur, lui disoit-il, donnez-le-moi bien ample. — Je vous la donnerai si ample, répondit Vandy, qu’elle pourra servir pour votre frère pour vous. » Il étoit un homme fort froid, et il ne sembloit pas qu’il songeât à ce qu’il disoit. Un jour qu’il dînoit chez ce même comte de Grandpré, on servit devant lui un potage, où il n’y avoit que deux pauvres soupes qui couroient l’une après l’autre ; Vandy voulut en prendre une ; mais comme le plat étoit fort grand, il faillit son coup ; il y retourne et ne peut l’attraper ; il se lève de table et appelle son valet de chambre : « Un tel, tire-moi mes bottes. — Que voulez-vous faire, mon cousin  ? lui dit M. de Joyeuse ; je crois que vous êtes fou. — Souffrez qu’il me débotte, dit froidement Vandy, je veux me jeter à la nage dans ce plat pour attraper cette soupe. »

Il étoit brave, mais n’alloit jamais à la guerre sans donzelles, et il disoit ordinairement : « Point de p…, point de Vandy. » On dit qu’étant à une foire de village il y rencontra une mignonne qu’il avoit entretenue autrefois ; il en vouloit user à la manière de Diogène, qui plantoit des hommes en plein marché ; la demoiselle le rebuta : « Hé