Page:Tallemant des Réaux - Historiettes, Mercure de France, 1906.djvu/187

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comme la paume de la main, pendu sur son corps de robe, à l’endroit du cœur. Un jour, l’émail de la boîte se rompit un peu ; elle le donna à un orfèvre à raccommoder, à condition qu’elle l’auroit le jour même. Comme il travailloit à sa boutique, l’émail s’envoila, comme ils le disent, parce qu’une charrette fort chargée, en passant là tout contre, fit trembler toute la boutique. Elle y alla pour le ravoir, et fit des enrageries épouvantables à ce pauvre homme, comme si c’eût été sa faute que ce portrait n’étoit pas accommodé ; on le lui rendit en l’état qu’il étoit, et le lendemain elle le renvoya.

Elle pensa se jeter par les fenêtres quand madame de Nevers mourut, et on dit qu’elle hurloit comme un loup. Quand elle mourut, on l’enterra avec ce portrait. Elle disoit : « Je voudrois seulement être mariée pour un jour, pour m’ôter cet opprobre de virginité. » On dit qu’elle y avoit mis bon ordre.

Miossens cependant avoit succédé à Jerzay auprès de madame de Rohan, qui payoit bien. Il ne se contenta pas de cela ; c’est un garçon intéressé : ce fut lui qui porta madame de Rohan à faire une donation générale à sa fille, moyennant douze mille écus de pension tous les ans : il le faisoit parce qu’il y avoit cinquante mille écus, en argent comptant, dont il vouloit s’emparer. En effet, ces cinquante mille écus étant demeurés à la mère, elle lui acheta une compagnie aux gardes, du prix de laquelle il eut ensuite la charge de guidon des gendarmes ; puis, le maréchal de l’Hôpital ayant vendu sa lieutenance à Saligny, Miossens devint enseigne en payant le surplus de ce qu’il tira de la charge de guidon. Depuis, en 1651, il est devenu lieutenant (_général et après maréchal de France.

Quand cette donation se fit, il y avoit dans la maison cent dix mille livres de rente en fonds de terre (mais en quelles terres !) outre les meubles et les cinquante mille écus. Miossens n’attendit pas son congé, comme Jerzay ; il se maria