Page:Tallemant des Réaux - Les historiettes, tome 1.djvu/128

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verte, car c’étoit ce qu’elle avoit de plus beau ; pour les traits du visage, ils n’étoient pas merveilleux : elle avoit les yeux petits et la bouche grande ; mais sa taille, ses cheveux et son teint étoient incomparables. En ce temps-là elle étoit encore fort jeune. Tout cela ne toucha point notre capucin. Que fait-elle ? elle envoie à Rome pour faire avoir au Père Henri de La Grange la permission de la confesser ; elle expose qu’elle avoit été touchée de ses sermons, qu’ayant jusqu’alors été trop avant dans le monde, elle croyoit que Dieu se vouloit servir de cette voie pour sa conversion. En même temps elle se tue de dire partout que les prédications de ce bon Père seroient cause qu’elle changeroit de vie. À Rome elle obtint facilement la permission qu’elle demandoit, et l’ayant fait signifier, elle demande qu’il l’entende en confession dans une chapelle qui étoit chez elle. Les autres capucins, qui croyoient que cela feroit venir l’eau au moulin, l’y envoyèrent aussitôt. Mais la dame, au lieu de se confesser de ses vieux péchés, car elle avoit dit qu’elle vouloit faire une confession générale, le voulut persuader de lui en faire faire de nouveaux. Le bon Père fait des signes de croix et la tance sévèrement. Elle ne perd point courage, elle fait tout ce qu’elle peut pour l’exciter, et lui montre peut-être ce qu’elle ne lui pouvoit montrer durant le sermon. Tout cela ne servit de rien : il la laisse demi-folle.

Au sortir de là il demande permission aux supérieurs de se retirer. Elle en a avis et fait garder les portes ; il trouve pourtant moyen de s’évader. Elle le sait, monte secrètement à cheval et court après. Elle l’attrape dans un bois, descend et le presse de revenir ;