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ment, cinq à six cent mille écus pour le bien que sa femme avoit en Piémont, dont le bossu s’étoit saisi, parce qu’il n’avoit à faire qu’à une fille, et qui encore demeuroit en France. Ainsi mademoiselle de Lucé étoit bien plus riche pour M. le comte que pour un autre.

Elle vivoit bien avec M. le comte, à quelques petites querelles près qu’ils eurent souvent pour des femmes de chambre. Car madame la comtesse s’est toujours laissée empaumer par quelqu’un, et M. le comte, qui étoit soupçonneux, ne le trouvoit nullement bon. Ils se raccommodoient aussi facilement qu’ils s’étoient brouillés. Elle avoit un mauvais mot dont elle n’a jamais pu se défaire, c’est qu’elle disoit toujours ovec pour avec, et cela sembloit le plus vilain du monde à une personne de sa condition. Il y a une autre chose que je lui pardonnerois encore moins, c’est de n’avoir rien laissé à mademoiselle de Vertus[1], qui a été assez long-temps avec elle, et qui est une fille de mérite[2].

  1. Catherine Françoise de Bretagne, sœur de la duchesse de Montbason, se retira à Port-Royal. Elle y devint l’amie de madame de Longueville. Ce fut elle qui se chargea d’annoncer à cette princesse la mort de son fils. (Voyez la lettre de madame de Sévigné du 20 juin 1672.) Sa vieillesse se passa dans les souffrances les plus aiguës, car elle est morte le 21 novembre 1691, et le 26 janvier 1674, madame de Sévigné écrivoit à sa fille : « Ce Port-Royal est une Thébaïde, c’est un paradis, c’est un désert où toute la dévotion du christianisme s’est rangée… Mademoiselle de Vertus y achève sa vie avec des douleurs inconcevables et une résignation extrême. »
  2. Anne de Montafié, comtesse de Soissons, mourut à Paris dans l’hôtel de Soissons, le 17 juin 1644.