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éclairés, Théobon, gentilhomme huguenot, prit si bien son temps qu’il appelle le comte dans le Louvre, et ils eurent le loisir de se rendre sur le pré. Le marquis avoit le premier cheval qu’il avoit rencontré : on n’alloit guère en carrosse en ce temps-là. Mais le comte avoit un cheval d’Espagne et ne voulut jamais se battre à pied. Le marquis poussa son cheval, et ayant trouvé qu’il savoit un peu tourner : « Allons, dit-il, il ne faut plus marchander. » Il désarma bientôt le comte et alla séparer les autres. Le comte de Gramont, outre ce cheval d’Espagne, s’étoit de longue main fait accompagner par un gladiateur célèbre, nommé Termes.

Quand M. de Luynes entreprit la guerre contre les huguenots, M. de La Force se déclara pour eux. Théobon tenoit Sainte-Foy. Durant ces guerres on ôta le Béarn à M. de La Force, et le comte de Gramont eut le gouvernement, mais sans Navarreins, qu’on donna à Poyane. Ce gouvernement fut réduit au pied des autres gouvernemens ; on ôta aussi au marquis de La Force sa charge de capitaine des gardes-du-corps. En ce temps-là, madame la duchesse de La Force d’aujourd’hui étoit jeune et bien faite ; ce Théobon en étoit amoureux. Elle l’amusa, et lui laissa espérer tout ce qu’il voulut jusqu’à ce qu’elle l’eut obligé de donner sa place au marquis de La Force, son mari, et après elle le planta là. Cette femme a pourtant de la vertu. Elle a vécu admirablement bien avec la maréchale de Châtillon, sa sœur, quoique leur commune mère, madame de Polignac, n’eût jamais voulu consentir au mariage du marquis de La Force et d’elle, qu’elle n’en eût tiré auparavant quittance de la tutelle, où elle avoit