Page:Tallemant des Réaux - Les historiettes, tome 1.djvu/19

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

chambre ne voudra servir que moi. » Ce page fut M. de Racan, dont nous avons de si belles poésies.

Un jour il alla chez madame la princesse de Condé, veuve du prince de Condé le bossu[1] ; il y trouva un luth sur le dos duquel il y avoit ces deux vers :

Absent de ma divinité,
Je ne vois rien qui me contente.

Il ajouta :

C’est fort mal connoître ma tante,
Elle aime trop l’humanité.

La bonne dame avoit été fort galante. Elle étoit de Longueville.

Avant la réduction de Paris, une nuit qu’il ne dormoit point bien, et qu’il ne pouvoit se résoudre à quitter sa religion, Crillon lui dit : « Pardieu, sire, vous vous moquez de faire difficulté de prendre une religion qui vous donne une couronne. » Crillon étoit pourtant bon chrétien, car un jour, priant Dieu devant un crucifix, tout d’un coup il se mit à crier : « Ah ! Seigneur, si j’y eusse été on ne vous eût jamais crucifié ! » Je pense même qu’il mit l’épée à la main, comme Clovis et sa noblesse au sermon de saint Remi. Ce Crillon, comme on lui montroit à danser, et qu’on lui dit : « Pliez, reculez. Je n’en ferai rien, dit-il ; Crillon ne plia ni ne recula jamais. » Il refusa,

  1. C’est à cette princesse que son époux contrefait disoit, au moment de faire une absence : « Surtout, madame, ne me faites pas c… pendant que vous ne me verrez pas. — Partez en paix, monsieur, répondit-elle ; je n’ai jamais tant envie de vous le faire que quand je vous vois. »