Page:Tallemant des Réaux - Les historiettes, tome 1.djvu/194

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qui lui avoit volé ce beau nom, et qu’il vouloit faire une pièce qui commenceroit ainsi :

Celle pour qui je fis le beau nom d’Arthenice,


afin qu’on sût que c’étoit lui qui l’avoit trouvé dans ses lettres. Elle dit que dans cette petite élégie qui commence :

Et maintenant encore en cet âge penchant
Où mon peu de lumière est si près du couchant, etc.,


Malherbe vouloit parler d’elle, quand il dit :

« Cette jeune bergère à qui les Destinées
« Sembloient avoir donné mes dernières années, etc. »

Elle m’a assuré que ce sont les seuls vers qu’il ait faits pour elle[1].

  1. Voyez le fragment pour madame la marquise de Rambouillet, 1624 ou 1625, dans les Poésies de Malherbe, pag. 254 de l’édition Barbou. Tallemant paroît avoir cité de mémoire les vers que madame de Rambouillet disoit avoir été faits pour elle ; nous croyons devoir les rétablir ici :

    Cette belle bergère, à qui les Destinées
    Sembloient avoir gardé mes dernières années,
    Eut en perfection tous les rares trésors
    Qui parent un esprit et font aimer un corps.
    Ce ne furent qu’attraits, ce ne furent que charmes ;
    Sitôt que je la vis, je lui rendis les armes,
    Un objet si puissant ébranla ma raison.
    Je voulus être sien, j’entrai dans sa prison,
    Et de tout mon pouvoir essayai de lui plaire
    Tant que ma servitude espéra du salaire ;
    Mais comme j’aperçus l’infaillible danger
    Où, si je poursuivois, je m’allois engager,
    Le soin de mon salut m’ôta cette pensée ;
    J’eus honte de brûler pour une âme glacée,
    Et sans me travailler à lui faire pitié,
    Restreignis mon amour aux termes d’amitié.