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celui pour qui Piles[1] étoit, d’être de race de Juifs ; c’est ce que veut dire Malherbe en un sonnet qu’il fit sur la mort de son fils. Ce sonnet n’est pas imprimé.

On lui parla d’accommodement, et un conseiller de Provence, son ami particulier, lui porta paroles de six mille écus ; il en rejeta la proposition. Depuis, ses amis lui firent considérer que la vengeance qu’il désiroit étoit apparemment impossible, à cause du crédit de sa partie, et qu’il ne devoit pas refuser cette légère satisfaction qu’on lui présentoit. « Hé bien ! dit-il, je suivrai votre conseil, je prendrai de l’argent, puisqu’on m’y force, mais je proteste que je n’en garderai pas un teston pour moi, j’emploierai le tout à faire bâtir

    tails. Ceux des contemporains qui ont parlé de la mort tragique du fils de Malherbe se sont tous accordés à dire qu’il avoit été tué en duel.

  1. Piles est Fortia, et les Fortia passent pour être venus des Juifs. (T.)

    Une satire virulente de Philippe Desportes contre François de Fortia, trésorier des parties casuelles, et des épigrammes de Jean de Baïf, où Fortia n’étoit pas plus ménagé, auront sans doute donné lieu au bruit alors répandu que la famille de Fortia étoit juive d’origine. Ces pièces existent encore dans un manuscrit de la Bibliothèque du Roi, n° 7652, t. 3, p. 3, et 2220 du fonds Colbert. On ne peut les attribuer qu’à l’esprit de vengeance ; François de Fortia ne s’étant sans doute pas montré fort empressé d’acquitter des assignations sur le trésor que Charles IX avoit accordées aux deux poètes trop libéralement et sans consulter l’état de ses finances. Des quatre frères de François, l’aîné, Jean de Fortia, avoit embrassé l’état ecclésiastique, et étoit aussi prêtre de la métropole de Tours ; Pierre, le plus jeune, étoit abbé de Saint-Acheul, et mourut en 1580, comme on le voit dans le Gallia Christiana, t. 10, pag. 1328. D’ailleurs, dès la fin du seizième siècle, toutes les branches de cette maison firent sans difficulté leurs preuves pour être admises dans l’ordre de Malte, où l’on exigeoit quatre degrés de noblesse dans chacune des lignes paternelles et maternelles. M. le comte de Fortia de Piles, membre de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, auquel la littérature et l’histoire doivent d’importantes publications, est aujourd’hui le dernier rejeton de cette famille noble et ancienne.