Page:Tallemant des Réaux - Les historiettes, tome 1.djvu/210

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grande raison que quand elle parloit du temps d’Henri IV, elle disoit : J’ai ouï dire ? Non contente d’être chantée par les autres, elle voulut se chanter elle-même, et passer dans les siècles à venir pour une personne savante. En ce beau dessein, elle achète d’un docteur en théologie, nommé Maucors, des homélies sur les épîtres de saint Paul, qu’elle fit imprimer soigneusement avec son portrait. Elle en eut tant de joie qu’elle donna presque tous les exemplaires pour rien au libraire, qui y trouva fort bien son compte, car la nouveauté de voir une dame de la cour commenter le plus obscur des apôtres, faisoit que tout le monde achetoit ce livre. Un jour Gombauld, par plaisir, lui demanda comment elle avoit entendu un passage de saint Paul qu’il lui disoit : « Hé, répondit-elle, cela y est-il ? »

Quand le Père Campanelli vint à Paris, avant la guerre déclarée, elle fit tant que ce Père fut quelques jours chez elle à Saint-Cloud, et cela parce que c’étoit un homme de grande réputation. Cependant elle ne l’entendoit point, peut-être imaginoit-elle l’entendre, car, à cause que sa maison étoit originaire d’Italie, elle croyoit en devoir entendre la langue, et sur ce fondement elle alloit au sermon italien. Jamais personne n’a été si avide de lectures de comédies, de lettres, de harangues, de discours, de sermons même, quoique ce soit tout ce qu’on peut que de les entendre dans la chaire. Elle prêtoit son logis avec un extrême plaisir pour de telles assemblées. Enfin, pour s’en donner au cœur-joie et se rassasier de ces viandes creuses, elle s’avisa de faire une certaine académie où tour à tour chacun liroit quelque ouvrage. L’abbé de Cerisy, pour contrecarrer