Page:Tallemant des Réaux - Les historiettes, tome 1.djvu/236

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quand il vous plaira, reprendre où vous en étiez avec votre individu. »

On dit qu’une fois qu’il vouloit entrer dans une chambre, et qu’il eut dit que c’étoit le chevalier de Guise : « Mais il y a encore quelqu’un avec vous. — Non, dit-il, je vous jure, nous ne sommes qu’un. »

Le chevalier se confessa une fois d’aimer une femme et d’en jouir. Le confesseur, qui étoit un jésuite, dit qu’il ne lui donneroit point l’absolution, s’il ne promettoit de la quitter. « Je n’en ferai rien, » dit-il. Il s’obstina tant, que le Jésuite dit qu’il falloit donc aller devant le Saint-Sacrement demander à Dieu qu’il lui ôtât cette obstination ; et, comme ce bon Père conjuroit le bon Dieu, avec le plus grand zèle du monde, de déraciner cet amour du cœur du jeune prince, le chevalier s’enfuyant le tira par la robe : « Mon père, mon père, lui dit-il, n’y allez pas si chaudement ; j’ai peur que Dieu ne vous accorde ce que vous lui demandez. »

Le chevalier répondit pourtant fort bien à feu M. de Rohan, qui, parlant de livres devant la Reine, dit que pour M. le chevalier de Guise, il n’avoit pour tout livre que les Quatrains de Pibrac. « Il a raison, dit-il, madame, c’est qu’il sait bien que je suis juste et droit et en toute saison[1].

Il étoit brave, beau, bien fait, et d’une bonne mine ; et quoiqu’il eût l’esprit fort court, sa maison, son air agréable, sa valeur et sa bonté (car il étoit bienfaisant) le faisoient aimer de tout le monde.

  1. Il y a dans les Quatrains :

    Sois juste et droit et en toute saison ;
    De l’innocence prends en main la raison.