Page:Tallemant des Réaux - Les historiettes, tome 1.djvu/242

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son maître, considérant que M. de Mercœur tenoit encore la Bretagne et que M. de Montgommery, qui étoit du parti du Roi, avoit Pontorson, conseille à Gilles Ruelland de faire trafic d’armes et de tâcher d’avoir passe-ports des deux partis. Elle prend trois cents écus qu’il avoit amassés et lui donne des armes pour cela. En peu de temps il y gagna quatre mille écus ; mais la paix s’étant faite, il fallut changer de métier. Il disoit en contant sa fortune, car il n’étoit point glorieux, que quand il se vit ces quatre mille écus, il croyoit, tant il étoit aise, que le Roi n’étoit pas son cousin.

Il arriva en ce temps-là que des gens de Paris ayant pris la ferme des impôts et billons, on leur donna avis qu’il y falloit intéresser Rocher Portail, qu’il connoissoit jusques aux moindres hameaux des neufs évêchés. Pour lui, il a avoué depuis ingénument qu’on lui faisoit bien de l’honneur ; qu’à la vérité, pour Rennes et Saint-Malo, il en savoit tout ce qu’on peut en savoir, et un peu de Nantes ; mais que pour le reste il n’en avoit connoissance aucune. Il s’abouche avec ces gens-là : « Vous êtes quatre, leur dit-il, je veux un cinquième au profit et non à la perte, mais je ferai toutes les poursuites à mes dépens. » Ils en tombèrent d’accord. En moins de quatre ans, il les désintéressa tous et demeura seul. Il eut ces fermes-là vingt-quatre ans durant, au même prix, et, au bout de ces vingt-quatre ans, on y mit six cent mille livres d’enchère, qui fut couverte par lui. Regardez quel gain il pouvoit y avoir fait. Il fit encore plusieurs autres bonnes affaires, car il étoit aussi de tout. Il portoit toujours beaucoup d’or sur lui, et avoit toujours quatre pochettes. Il récompensoit libé-