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servoit à porter l’arbalète au Roi. Enfin il fit si bien qu’il devint marquis de Grimault. C’est une terre de considération du domaine du Roi en Provence. Il épousa mademoiselle de Mauran de La Baulme, dont il n’eut point d’enfants. Il étoit quasi aussi bien que les Luynes avec le Roi. Ils firent aussi venir Modène et Des Hagens. Le connétable eut deux enfants, M. de Luynes d’aujourd’hui, et une fille qui est fort avant dans la dévotion[1].

Au bout d’un an et demi, madame la connétable se maria avec M. de Chevreuse[2]. C’étoit le second de messieurs de Guise et le mieux fait de tous les quatre. Le cardinal étoit plus beau, mais M. de Chevreuse étoit l’homme de la meilleure mine qu’on pouvoit voir ; il avoit de l’esprit passablement, et on dit que pour la valeur on n’en a jamais vu une plus de sang-froid. Il ne cherchoit point le péril, mais, quand il y étoit, il y faisoit tout ce qu’on y pouvoit faire. Au siége d’Amiens, comme il n’étoit encore que prince de Joinville, son gouverneur ayant été tué dans la tranchée, il se mit sur le lieu à le fouiller, et prit ce qu’il avoit dans ses pochettes.

Il gagna bien plus avec la maréchale de Fervaques[3]. Cette dame étoit veuve, sans enfants, et riche de deux cent mille écus. M. de Chevreuse fit semblant de la vouloir épouser ; elle en devint amoureuse sur cette espérance, car c’étoit une honnête femme, et s’en laissa tellement empaulmer, qu’elle lui donnoit tantôt une

  1. Anne-Marie de Luynes, morte sans alliance.
  2. Claude de Lorraine, né le 5 juin 1578, mort le 24 janvier 1657.
  3. Le mari de cette dame, pour guérir une religieuse possédée, lui fit donner un lavement d’eau-bénite. Elle étoit d’Allègre. (T.)