Page:Tallemant des Réaux - Les historiettes, tome 1.djvu/294

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gens excellents qu’il y avoit en chaque profession dans son royaume. « Mais, Sire, lui dit l’ambassadeur, vous n’avez point de mathématiciens, car Adrianus Romanus n’en nomme pas un françois dans le catalogue qu’il en fait. — Si fait, si fait, dit le Roi, j’ai un excellent homme : qu’on m’aille quérir M. Viète. » M. Viète avoit suivi le Conseil, il étoit à Fontainebleau ; il vient. L’ambassadeur avoit envoyé chercher le livre d’Adrianus Romanus. On montre la proposition à M. Viète, qui se met à une des fenêtres de la galerie où ils étoient alors, et avant que le Roi en sortît, il écrivit deux solutions avec du crayon. Le soir il en envoya plusieurs à cet ambassadeur, et ajouta qu’il lui en donneroit tant qu’il lui plairoit, car c’étoit une de ces propositions dont les solutions sont infinies. L’ambassadeur envoie ces solutions à Adrianus Romanus, qui, sur l’heure, se prépare pour venir voir M. Viète. Arrivé à Paris, il trouva que M. Viète étoit allé à Fontenay. À Fontenay, on lui dit que M. Viète est à sa maison des champs. Il attend quelques jours et retourne le redemander ; on lui dit qu’il étoit en ville. Il fait comme Apelles qui tira une ligne. Il laisse une proposition ; Viète résout cette proposition. Le Hollandois revient ; on la lui donne, le voilà bien étonné ; il prend son parti d’attendre jusqu’à l’heure du dîner. Le maître des requêtes revient ; le Hollandois lui embrasse les genoux ; M. Viète, tout honteux, le relève, lui fait un million d’amitiés ; ils dînent ensemble, et après il le mène dans son cabinet. Adrianus fut six semaines sans le pouvoir quitter. Un autre étranger, nommé