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madame ; » et lui présentant un poignard : « Vengez-vous vous-même, et je vous jure que je mourrai très-content. »

Depuis, elle ne fut pas si cruelle, et ses autres galants n’eurent pas tant de peine que celui-ci.




M. D’ALINCOURT.


Pour M. d’Alincourt, ce n’étoit pas un grand personnage. Il s’amusoit, à la mode de certains gouverneurs de frontières, à vouloir que tous les courriers fussent lui parler. Une fois, le comte de Clermont-Lodève, grand seigneur du Rouergue, autrefois assez connu à la cour sous le nom de marquis de Cessac, couroit la poste sur la route de Languedoc. Il fallut aller chez M. d’Alincourt à Lyon, car les maîtres de la poste ne donnent point de chevaux autrement, et on les châtiroit s’ils y avoient manqué. Le comte n’étoit point connu du gouverneur, qui, faisant le grand seigneur, demanda ce qu’on disoit à Paris : « On y disoit vêpres, monsieur, quand je suis parti. » Voyant qu’on ne parloit pas autrement de s’asseoir, il prend un fauteuil qu’il gâta un peu avec ses bottes crottées ; il en donne un autre à un gentilhomme qui étoit avec lui, se couvre, et se met à se chauffer : c’étoit l’hiver. Il cause avec son compagnon, comme s’il n’y eût qu’eux dans la chambre, et quand il eut bien chaud, il fait la révérence à M. le gouverneur, qui étoit si