Page:Tallemant des Réaux - Les historiettes, tome 1.djvu/311

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si jaloux qu’il la faisoit garder quand il étoit à l’armée. Elle ne sortoit point, et ne faisoit tout le jour que donner des chaises, comme s’il fût venu compagnie, et puis elle les remettoit comme si la compagnie étoit sortie ; et en rangeant et dérangeant des siéges, elle passoit toute la journée. Cela a peut-être contribué à la rendre si peu raisonnable.

Faure l’épousa clandestinement. Son père en fit du bruit, mais enfin on l’apaisa et on confirma le mariage. Ce ne fut pas sans donner auparavant de bien mauvaises heures à la pauvre femme ; car cet homme alla à la Pissotte[1], où ils avoient été mariés, et trouva moyen de déchirer du registre du curé le feuillet étoit l’acte de la célébration de leur mariage, et l’ayant en son pouvoir, il lui faisoit tous les jours des frayeurs épouvantables. Pour se récompenser du peu de bien qu’il avoit eu de sa femme, il lui fit porter quatre ans durant la robe du deuil de son premier mari, car il n’attendit pas le bout de l’an pour l’épouser. Depuis, elle a toujours été fagotée à peu près de même. Il la tient comme prisonnière, et elle n’est guère mieux en secondes qu’en premières noces.

  1. On appeloit alors de ce nom le village de Vincennes, qui n’a été pendant long-temps qu’un hameau dépendant de la paroisse de Montreuil. Il y avoit une chapelle qui fut érigée en succursale, en 1547, et ne devint paroisse que vers l’année 1669. On n’y comptoit encore en 1709, que cinquante feux et deux cent vingt-huit habitants. (Voyez l’Histoire du diocèse de Paris, par l’abbé Lebeuf ; Paris, 1755, tom. 5, pag. 94 et suivantes.)